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artistes :
Blaise Parmentier

Il y a dans ces trois petits mots la sensation d’avoir affaire à quelque chose de connu en même temps qu’à quelque chose qui échappe : All that jazz se traduit par « et tout le bataclan » ou encore par « etc. ». Mais le célèbre film éponyme a fini par éclipser la signification de l’expression : derrière l’indistinction qu’elle désigne se devine un monde interlope et interdit, celui de la nuit, de la dérive, de la fête, du joyeux chaos auquel les paroles de la chanson vedette de cette comédie musicale font clairement allusion… Ce qui n’est pas exactement le monde décrit par Blaise Parmentier dans ses œuvres qui font état d’un présent resserré dans lequel traçabilité et paranoïa se conjuguent pour limiter les possibilités de débordement. Exemple de ce resserrement, Don’t bullshit a bullshitter (2012) présente l’enregistrement d’un match de foot opposant le FC Barcelone au Real de Madrid diffusé sur Al Jazeera et suspecté par la chaine ADDounia, proche du pouvoir syrien, de faire apparaître dans le déplacement des joueurs l’itinéraire des armes destinées à la rébellion : ultime témoignage de la psychose d’un régime aux abois voyant dans la diffusion des images d’un événement anodin – le foot étant réputé pour sa capacité à suspendre momentanément la violence du réel – la possibilité d’échapper à la vigilance d’un des services de renseignements les plus « compétents » de la planète.

Dans la correspondance très particulière qu’entretient l’artiste avec son ami Daniel Markus, critique d’art à Philadelphie, Correspondance (2012), se retrouve un peu de cette paranoïa issue de la dislocation des équilibres mondiaux d’avant septembre 2001. L’épisode fatidique a introduit dans le système des échanges globaux une suspicion généralisée, une politisation de fait de chaque individu, que le franchissement des bornes de sécurité des aéroports et les files d’attente qu’elles induisent rend instantanément visible. L’échange de déchets ménagers que pratique l’artiste avec son « complice » de l’autre côté de l’Atlantique, et dont la régularité fut perturbée par la disparition ou le retard de certains colis, laisse planer le doute quant à un contrôle éventuel par des douaniers dubitatifs et possiblement sidérés : le pied de nez à l’endroit de ces derniers n’est pas le moindre intérêt d’un travail qui cherche entre autres à pointer les aberrations des dispositifs de contrôle. Cette pièce est accessoirement une réponse à l’impératif du politically correct écologique qui permet d’avoir pour les marchandises plus d’attentions que pour les personnes ; elle met également en œuvre un dispositif de collecte des déchets proprement extravagant (envoyés par avion !) qui renvoie à l’hypocrisie des sociétés avancées et du nimby.

Dans la même veine que cette tentative de dédramatisation et de ridiculisation de la soi-disant traçabilité des marchandises, Special Import (2013) se compose de deux flacons contenant des liquides interdits à la vente. Dissimulés sous leurs emballages de tubes de colle sans danger, les liquides en question transitent sans difficulté d’un pays à l’autre, pointant à l’occasion l’humour des « passeurs » qui se jouent des règlements en tous genres. Cette œuvre est avant tout une critique de la libre circulation de marchandises infiniment plus dangereuses qui traversent allègrement les frontières des états avec la bénédiction de leurs gouvernements : le commerce des armes létales est l’un des plus prospère de ce début de XXIème siècle. Elle renvoie aussi à une esthétique de la « peinture » sauvage à laquelle l’artiste a fortement adhéré dans les débuts de sa jeune carrière, une pratique qui ne peut se satisfaire des cimaises autorisées des white cube aseptisés.

Enfin, On Duty (2013) condense nombre des préoccupations de l’artiste et nous ramène vers ce flamboiement nocturne dont il est fait état dans le titre de l’exposition ; elle peut aussi être lue comme une incitation à l’explosion (de joie, de vie), à la transgression de l’interdit et à la destruction d’un monde par trop borné, par le feu purificateur. Se présentant sous la forme d’un tas de boîtes d’allumettes au dos desquelles est imprimée l’image d’un embrasement spectaculaire, cette pièce manifestement provocatrice pourrait être perçue de manière littérale comme l’outil d’un pompier pyromane si elle n’était avant tout un brûlot métaphorique.

En savoir plus : la page de l'expo

  • 49 Chaussée de la Madeleine 44000 Nantes
  • 49 Chaussée de la Madeleine - Interphone 8 - Nantes
    Mercredi-Samedi 15h - 19h et sur rdv.