Dans ses derniers travaux, Thomas Foucher poursuit son observation du corps et scrute avec une acuité remarquable chacun de ses gestes comme s’il voulait en saisir l’essence. Chaque tableau, au format identique (130 × 94 cm), présente en gros plan les mains et les bras d’un homme essorant un torchon imbibé d’eau. La puissance de son geste et sa musculature sont observées à la loupe, ainsi que les veines qui affleurent sous la peau, comme si chaque détail avait la même importance et intensifiait la force de l’image. Les plis et la torsion du tissu sont également rendus avec un soin particulier comme si, là encore, l’artiste avait le souci obsessionnel d’observer chaque mouvement pour en faire ressortir l’essence, comme s’il voulait atteindre l’âme de la matière. En ce sens, les dernières œuvres de Thomas Foucher peuvent se lire sous l’éclairage deleuzien pour qui le Pli définit très clairement une structure de l’âme, de la pensée dans toute sa complexité. Le Pli est celui de l’âme avant d’être celui de la matière. Comme un drapé fait d’une infinité de plis et de replis, l’âme est tel un labyrinthe qui se touche par endroit, faite de recoins aussi multiples et infinis qu’il est difficilement possible d’en toucher la substance. La série intitulée « Essorage » décline 5 fois le motif baroque de la torsion, mais l’on sent bien qu’elle pourrait se prolonger à l’infini, comme si le devoir du peintre – son obsession ontologique – était de pénétrer la matière dans tous ses plis et replis pour mieux en saisir la substance, tout en sachant que la tâche est impossible et toujours à recommencer.

F. Treppoz