Thierry LIÉGEOIS
artistes :
Thierry Liégeois
Vernissage le 25 août à partir de 16:00
OÙ Résidence Méditerranée avec Thierry Liégeois
Présentation de son travail du 20 août au 25 septembre 2016 tous les jours de 10h à 22h même le dimanche sur rdv.
Contacts : thierryliegeois1@gmail.com / 0781284826 / site : http://thierry-liegeois.ultra-book.com/
En partenariat avec Moly-sabata à Sablons (Isère), Elfi Turpin et Perspective Trouble
Exposition, Installation, Film, Photographie & Son
Thierry LIÉGEOIS
Né le 27 octobre1983 à Montbéliard. Vit et travaille à Lyon.
DNSEP Art en 2010 il obtient la mention d’excellence à l’ÉNSB-A de Lyon. Il a participé à une quinzaine d’expositions personnelles ou collectives en France et à l’étranger. Il a reçu le Prix Tokyo Art School en 2012 et a été Lauréat de la Bourse Hélène Linossier 2010. Il rentre à peine de la résidence LAB-47 à Beijing en Chine.
thierryliegeois1@gmail.com / 0781284826 / site : http://thierry-liegeois.ultra-book.com/
Du 27 août au 15 septembre – Exposition Installation in situ, Dispositifs sonores et visuels
En partenariat avec la Galerie Néon (Lyon) et le Palais de Tokyo (Paris)
Résidence de l’artiste à OÙ
Artiste influencé par la culture underground, Thierry Liégeois se livre et nous révèle ça démarche artistique entre et dénonciation et préoccupation sociales. Avec l’humour comme maître mot, la critique se fait art. Ce jeune artiste conçoit des installations et des dispositifs sonores et visuels dont le fonctionnement tant matériel que symbolique s’appuie sur une base culturelle commune : celle de la musique Métal. Aussi met-il en oeuvre des systèmes souvent mécaniques (bien que narratifs, car culturellement référencés) qui transforment, traduisent ou diffusent, si ce n’est tout cela à la fois. La disparition de l’industrie et des machines – celle qui a vu naître le rock métal, la techno et la noise – semble hanter le travail de Thierry Liégeois. Dans cette perspective, son intérêt pour les lieux au rebus, son vocabulaire plastique et les matériaux employés convergeant vers la notion de fuite entropique.
« Les dispositifs de Liégeois regardent du côté de ce que l’on évacue, de ce que l’on n’entend pas ou que l’on ne voit pas. » Elfi Turpin
CV
Expositions personnelles
Le 26 avril 2014: Le syndrome Murray Futterman, one shot exhibition, collectif Or Nothing, Avenue de la Couronne, Brussels.
Du 20 septembre au 5 octobre 2013: Rise and Fall. Résonance biennale d’art contemporain, atelier-galerie L’oeil de boeuf, Lyon.
Du 28 septembre 2012 au 19 novembre 2012 : The Uncanny Valley Saloon
module, Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent. Imaginez l’imaginaire saison 2. Palais de Tokyo. Paris.
Du 7 octobre au 24 novembre 2012: Dystopia,
Galeries Nomades 2012/IAC, Villeurbanne/Rhône-Alpes – Angle art contemporain, St-Paul-Trois-Châteaux (Drôme).
Expositions collectives
2014
Exosquelette totale dispersion, Couac Villeurbanne (Rhône)
avec Kevin Bogey/Eléonore Cheynet/Morgan Courtois/Christel Conchon/Nicolas Malclès-Sanuy/Mom & Jerry/Remi Dal Negro/Hugo Exbrayat Le rire, un parcours jaune, comissariat Léo Guy Denarcy, Cac Atelier Estienne, Manoir de St Urchaut.
Pont-Scorff(Morbihan)
avec Julien Bismuth/Pauline Boudry et Renate Lorenz/Jean-Yves Brélivet/Marcel Broodthaers/Vincent Carlier/Claire Dantzer/Jean-Louis Costes/Eric Duyckaerts et Jean-Pierre Khazem/André Fortino/Binôme Lambda/Louise Lawler/Joachim Monvoisin/Grégoire Motte/Hervé Le Nost/Présence Panchounette/Justine Pluvinage/Eléonore Saintagnan/Taroop & Glabel/Winshlss
La manufacture 2, L’imprimerie Lithographique, s’intalle chez French Touch Fishing, Paris
avec Jacques Barry / Marc Bonnet / Jean-François Chanal / Pierre Combet / Marion Darregert / Michel Duport / Philippe Favier / Simon Feydieu / William Jean / Maxime Lamarche / Antoine Louisgrand / Emmanuel Louisgrand / Philippe Louisgrand / Bernard Pinelli / Markus Strieder / Laurent Baulé / Anya Belyat-Guiunta / Ghislain Bertholon / Sybille Bornerand / Sergio Cascavilla / Franck Gache/ Christian garier / Piero Gilardi / Paulette Louigrand / Eleni Pattakou / Bruno Peinado / Bruno Rousselot / Elizabeth Saint-Jalmes / Jean-Bastien Savet / Maria Stratchini / Véronique Torque / Claude Viallat / Jacques Villéglié
La féerie des bosquets vénéneux, résidence Moly-Sabata, Sablons (Isère). Avec Mathilde Barrio-Nuevo/ Anne Bourse/Lionel Chalaye/Baptiste Croze/Camille Guillaud/Thierry Chassepoux/Frédéric Houvert/La MatriCe/Antoine Louisgrand/Stéphanie Nava/Josué Rauscher et Philip Vormwald
Exosquelette totale dispersion, Couac Villeurbanne (Rhône) avec Kevin Bogey/Eléonore Cheynet/Morgan Courtois/Christel Conchon/Nicolas Malclès-Sanuy/Mom & Jerry/Remi Dal Negro/Hugo Exbrayat
Nouvelles de la Kula, commissariat de Thomas Golsenne, centre d’art plastiques de St-Fons (Rhône) avec Pauline Cunier-Jardin/Joao Maria Gusmao et Pedro Paiva/Len Lye/Rémi Voche/Louise Hervé et Chloé Maillet/Pia Maria Martin/Mika Rottenberg et
Jon Kessler/Thomas Teurlai
Partage d’oeuvres, oeuvres en partages .TEC (Travail et culture).Petite galerie du château de Roussillon (Isère)
Espace/cellule, Thierry Liegeois VS Pierre Gaignard&Benjamin Collet Feat. Gordon Matta-Clark, Multiplex décomplexé, résidence de la galerie Néon. Lyon
2013
Toujours. Jure, crache, tatoue. organisée par l’association L’état des lieux, Lyon.
avec Xavier Brandeis/Tom Castinel/Rémi Dal Negro/Antoine Palmier-Reynaud
Partage d’oeuvres, oeuvres en partages.TEC (Travail et culture). Petite galerie du château de Roussillon (Isère)
2012
Fables Berurières-BxN-part1. Greenhouse-St Etienne (Loire). avec Jordi Colomer/Olivier Nourisson/Éléonore Saintagnan/Constantin Alexandrakis/Shingo Yoshida
2011
Domestiquer: s’approprier/apprivoiser Local d’Art Contemporain, Mazamet (Tarn). avec Florent Dubois/Eva Galtier/Bénédicte Thoraval/Amelia Lett
Les enfants du sabbat XII – le Creux de l’Enfer- Thiers (Puy de Dôme). Avec Mathilde Barrio Nuevo/Jean Bonichon/Rémy Briere/Yannick Daverton/Laure Girard/Yann Laccroix/Daniel Otero Torres/Mathilde Penet/Claire Perret/Elodie Petit/Francis Raynaud
2009
Grands écrans numériques, médiathèque de Vaise (Rhône). Avec Mickaël Salvi/Quentin Maussang/Chloé Guitton Persyn/Nicolas Hensel/Claire Perret/Wen Yang Liu/Quincy Mo Moussi/Pierre Gaignard
Diplômes et Prix Tokyo Art School 2012 Lauréat bourse Hélène Linossier 2010 DNSEP Art.2001 avec mention. Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon
Publications
Catalogue Résonance, biennale d’art contemporain 2013, Lyon. Supplément Semaine volume X, Galeries Nomades 2012, auteur Franck Balland. Palais de Tokyo Magazine n°16, automne 2012. Interview avec Marc Bembekoff. Les Enfants du Sabbat XII, collection mes pas à faire au Creux de l’enfer, 2011, auteur Elfi Turpin.
Résidences Moly-sabata, Sablons (Isère). Juillet et Août 2012
Interventions EPCC TEC, Partage d’oeuvres, oeuvres en partage. Intervention avec les élèves de l’école primaire Messidor à St Maurice l’Exil. Mars à Juin 2014.
TEXTES
Texte de Elfi Turpin
Un micro pendu au plafond est entraîné par un ventilateur posé au sol dans un mouvement circulaire, ample et régulier. Le déplacement de l’air produit le son et le rythme d’un battement de cœur. Ce mécanisme élémentaire tente de réconcilier contenu et contenant – l’objet produisant dans un même temps la fabrication du son et sa diffusion. L’image obtenue oscille entre celle du satellite et celle du pendule en faisant aussi bien penser à une simulation de la gravitation des planètes qu’à une expérience de spiritisme. Avec cette pièce intitulée Back to the primitive (2008), qui est aussi le titre d’un album du groupe Soulfly. Thierry Liégeois semble poser les jalons élémentaires de son travail.
Ce jeune artiste conçoit des installations et des dispositifs sonores et visuels dont le fonctionnement tant matériel que symbolique s’appuie sur une base culturelle commune : celle de la musique Metal. Aussi met-il en oeuvre des systèmes souvent mécaniques (bien que narratifs, car culturellement référencés) qui transforment, traduisent ou diffusent, si ce n’est tout cela à la fois. Ainsi l’installation Ghost (2009), qui fabrique le bruit d’un courant d’air dans les volets (ce sifflement bien caractéristique que l’on retrouve dans les films d’épouvantes), s’articule autour d’éléments sculpturaux qui renvoient clairement à la friche industrielle. Là un pan de mur en parpaing, ici des herbes folles et quelques moules mâlic duchampiens – croisement au sol entre le préservatif usagé et la pièce mécanique abandonnée – interrogent l’énergie perdue de ces espaces vacants désindustrialisés.
La disparition de l’industrie et de sa machine – celle qui a vu naître le rock métal – semble hanter le travail de Thierry Liégeois. Dans cette perspective, son intérêt pour les lieux au rebus, son vocabulaire plastique et les matériaux employés convergent vers la notion de fuite entropique. Les dispositifs de Liégeois regardent du côté de ce que l’on évacue, de ce que l’on n’entend pas ou que l’on ne voit pas. Ainsi PolYchlorure de VinYle présente ainsi
deux tuyaux d’évacuation en PVC gris, sortes de cornes de brume de chantier, desquelles s’échappent une composition sonore réalisée à partir de fréquences pures, habituellement utilisées lors d’examens auditifs. L’installation Anti-chambres (2010), quant à elle, ramène au mur deux tableaux vidéo : les portraits de bouches d’égout et d’un ampli guitare montés sur une musique du groupe Fantomas – une musique sourde composées d’onomatopées et de bruits de bouches. L’artiste en procédant par analogie formelle, opère un rapprochement entre le souterrain, le caché, l’évacué, et l’absence de parole, dans le sens peut-être d’une perte ou d’une fuite du langage.
Et cette notion d’absence ou de disparition est centrale. L’installation L’Absenthe (2010) est à ce titre significative. L’ombre d’un piano à queue (une moquette noire) s’étire au sol. Deux grosses molaires en céramique gisent. Une découpe lumineuse vert absinthe dessine un halo. À qui ces dents appartiennent-elles ? Où est donc passé le pianiste ? Si cette mise en scène évoque quantité d’objets cinématographiques (en passant des scènes de bagarre à la Scorcese au cinéma burlesque), elle nous invite à une lecture en creux qui convoquerait, par exemple, des images à la Raymond Roussel, clin d’œil, nous explique l’artiste, « à sa machine à aimanter les dents et à composer une mosaïque à molaires ». Que fait-on à l’ombre de cette machine ? Est-elle encore opérante ?
Ces moulages en plâtre réalisés par Thierry Liégeois font directement référence aux Neuf Moules Mâlic, 1914-1915 de Duchamp qui font partie des nombreuses études préparatoires du Grand Verre. Duchamp qualifiait ces moules de « matrices d’éros », des machines à fabriquer du désir. Lui-même pianiste émérite. Raymond Roussel, Locus Solus, 1914
Entretien avec Marc Bembekoff (français/anglais)
Entretien réalisé avec Marc Bembekoff, commissaire d’exposition au Palais de Tokyo dans le cadre des Modules Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent.
MARC BEMBEKOFF : Est-ce que ton histoire personnelle et le fait que tu as grandi en Franche-Comté et orienté ta façon de travailler ?
THIERRY LIEGEOIS : La Franche-Comté est à la fois rurale et industrielle. À notre époque, les ouvriers, autant que les petits producteurs, sont pris à la gorge. Il y a une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de cette région. Mais ce n’est pas seulement une histoire locale, elle est aussi globale ! Je m’inspire effectivement de mon histoire personnelle et de celle d’autres personnes qui m’entourent, c’est ma manière de construire un lien entre l’art et la vie.
M. B. : En t’intéressant au rapport de la campagne à la ville et aux clichés, tu utilises des objets récupérés. Cette pratique de la récupération fait-elle partie intégrante de ton travail ?
T. L. : Je récupère parfois par nécessité. Pour réaliser La maison de Cluster (2010), il était impossible d’acheter des planches pourries. J’ai donc dû écumer les friches de Lyon pour trouver ce matériel qui, en quelque sorte, devient précieux, car difficile à trouver. Ce type de cabane de fond de jardin est une forme de cliché. Mais il y a une vraie richesse dans ses assemblages, car ilsl sont immédiats et pensés de manière pratique en fonction d’un besoin et non par rapport à une esthétique. Peu importe à quoi ressemblent ces cabanes. Dans les jardins ouvriers, on retrouve le même type de construction, aujourd’hui elles sont remplacées par des nouveaux modèles fabriqués en série, aux grillages bien propres, qui me font penser à Home for America (1966-67) de Dan Graham ! On perd totalement et violemment, cette liberté créative. Dans La maison de Cluster, j’ai repris cette esthétique du poulailler ou de la cabane à outils. Les matériaux sont bruts, et même si en apparence ça semble « trash », ce n’est pas le cas. C’est réaliste.
M. B. : C’est cette forme de violence latente que tu mêles, dans ta démarche artistique, à une culture populaire, non pas « mainstream », mais plutôt parallèle…
T. L. : Je vois les représentations de la violence comme un moyen de faire ressentir un climat de malaise. Par exemple, le texte de Mike Kelley sur l’inquiétante étrangeté, The uncanny, a été pour moi un outil afin de faire percevoir ce sentiment : utiliser des choses familières, de l’univers domestique, les décaler légèrement pour réussir à créer cette tension. Montrer la violence pure ne m’intéresse pas. De plus en plus, mes installations inspirent une sorte de « joyeuse désolation ».
M. B. : On associe très souvent le punk à la classe ouvrière notamment en Angleterre. Est-ce une sorte d’exutoire à la violence d’utiliser ces moyens d’expression que sont le punk et le métal ? Plus généralement, émets-tu une sorte de critique du capitalisme ?
T. L. : C’est d’abord attacher une importance aux contre-cultures et cultures alternatives qui sont une forme de résistance. Effectivement, c’est aussi une forme d’exutoire, les représentations de la violence le sont pratiquement toutes et saturent les médias. C’est malheureusement un produit de consommation comme l’est le sexe, par exemple. Le capitalisme combiné à la mondialisation est devenu ingérable ; les problèmes, les abus, les discriminations, et les injustices qu’ils génèrent sont innombrables.
M. B. : Pour l’une de tes prochaines installations, tu vas utiliser des morceaux de métal joués à l’accordéon, que tu as trouvés sur YouTube. On a du mal à percevoir s’il s’agit de premier ou de second degré. Penses-tu que YouTube permette de porter un regard décalé sur la violence qui nous entoure ?
T. L. : Je m’attendais d’abord à des reprises à l’accordéon bien ficelées. Finalement, en cherchant sur YouTube, je suis tombé sur des choses curieuses, à tel point que ça ne servait à rien de les rejouer. Ce qui m’intéressait, c’était l’objet produit. Beaucoup d’artistes cherchent à produire des oeuvres sur Internet, je l’utilise plutôt pour l’accès aux informations. J’essaie d’aller plutôt du côté du « low-tech » que du virtuel. Moi, je préfère aller roder et fouiner dans la saleté et la terre. Mais je fouine aussi sur Internet ! YouTube est une sorte de vide poche…
M. B. : On retrouve, dans ton travail, ce lien avec le cinéma populaire, notamment avec les films d’horreur. Ces B-movies ou ces Z-movies apparaissent aux USA en plein maccarthysme, avec une crainte du monde ouvrier, exacerbée à l’époque par une peur du bloc soviétique.
T. L. : Oui, ces films illustrent les inquiétudes liées à une époque ; Godzilla (Tomoyuki Tanaka 1954) par exemple est une allégorie de l’arme nucléaire. Ce qui m’intéresse finalement, c’est ce jeu entre la fiction et le réel. Dans mon travail, jouer avec des références au cinéma ou à la musique permet une mise en tension et différents degrés de lecture. Explicitées dans le titre des œuvres, certaines références apportent à l’oeuvre une sorte de hors-champ, comme pour mon installation La Fiancée de la Chose (2010). Certains artistes ont vraiment réussi à faire la jonction entre art, musique et cinéma. Par exemple l’oeuvre de Marnie Weber est un bloc qui contient tout ça. Mais, à l’inverse, plutôt que de tout resserrer en un seul objet, je veux rendre mon travail tentaculaire, l’éclater en quelque sorte, en assimilant toujours de nouveaux objets, de nouveaux « paysages ». On trouve dans le travail de Marnie Weber une sorte de lenteur, j’utilise plutôt le ralenti.
M. B. : Ce ralenti montre une distance par rapport à ton univers, que l’on retrouve d’ailleurs dans le vocabulaire cinématographique du film d’horreur.
T. L. : C’est vrai, il s’agit de m’approprier les choses qui me fascinent et donc de les comprendre. En plus de ce ralenti, il y a parfois une sorte de double bouclage dans mes vidéos. Dans celle où un clown se balance (présentée dans l’installation la Maison de Cluster NDLR) il y a un rapport entre le contenu de la vidéo et sa forme. Ce n’est pas un bug, mais l’idée d’une éternelle répétition, une forme de désespoir et de stagnation. Certaines de mes installations sont créées en forme de rébus, où chaque élément ajoute quelque chose. Ainsi dans The Sad Garden (2011), on trouve un épouvantail qui joue un double jeu : il est à la fois celui qui protège les légumes mais apparaît très menaçant, et dans un même temps il évoque Joseph Beuys, puisqu’il est construit avec des bois de cerfs et un chapeau de feutre. Le vinyle Animals des Pink Floyd, un album inspiré par La Ferme des animaux de George Orwell, passé en sens inverse et au ralenti ; il y a là aussi un cycle, et cette perte de compréhension des paroles illustre le fait que la critique est vaine.
M. B. : Le visiteur déambule dans tes installations comme dans un parc d’attractions décalé. Est-ce pour déstabiliser le visiteur sans être trop frontal?
T. L. : J’ai ressenti le besoin que mes pièces soient vivantes, pénétrables, pour que les gens soient immergés, ça doit venir de mon rapport à la musique, dans un concert, tu as cette sensation d’immersion. Je ne sais pas s’il s’agit d’une déstabilisation, je dirais plutôt que j’essaie de surprendre comme j’aime être surpris par certaines expositions. Je pioche ensuite dans les pratiques populaires, comme la sculpture à la tronçonneuse, ou dans des éléments de paysages urbains ou ruraux, pour mettre directement les gens face à quelque chose qui leur est familier et pour leur proposer un dépaysement en remettant en question ce qu’ils connaissent. Je m’intéresse aussi à de nouveaux rites, aux mouvements urbains, telles que la marche de zombies ou la Clandestines Insurgents Rebel Clown Army où humour décalé et activisme ne font plus qu’un.
Texte de Franck Balland
Réanimation
« Le problème lorsqu’on se met en quêtes d’influences d’abord jugées sans importance, c’est qu’elles révèlent l’idiotie de ne pas avoir compris leur importance plus tôt. »
Mike Kelley, Mort et transfiguration, une lettre d’Amérique, Texte zur kunst n°8, décembre 1992.
« Nous avons créé la barbarie.
Bientôt, elle consumera notre âme. »
Extrait de la bande-annonce du film Zombie (1978), de George A. Romero.
Figures incontournables de la contre-culture depuis la fin des années 1960, rendues cultes par les industries cinématographiques puis vidéoludiques, au point d’avoir basculé dans le champ des produits culturels mainstream, les zombies incarnent, encore aujourd’hui, une entité révélatrice des tensions qui cernent nos sociétés. Revenus du monde des morts, trainant, dans cette fébrile lourdeur qui les caractérise, des carcasses en lambeaux raidies par les tombes, ils errent sans but apparent, amnésiques de leur vie antérieure, hantés par une haine meurtrière qui se déclenche en présence des vivants. Suscitant le dérèglement soudain, et bien souvent irréversible, de la réalité même, les zombies semblent être guidés par un instinct vengeur : la volonté obstinée de mettre en échec le monde qu’ils ont précocement quitté, pour lui imprimer un nouvel ordre de chaos. D’un point de vue symbolique, ce retour dans la sphère sociale illustre une forme de résistance, qui se manifeste par une entreprise de destruction globale. La résurrection, cet événement aux fondements magiques, trouve dans la barbarie générée un contrecoup au miracle. Comme l’explique le critique d’art Paul Ardenne : « ce principe résurrectionnel n’est pas mineur. Il exprime en filigrane la conscience malheureuse, la faillite prévisible des projets d’utopie, le caractère fantasmatique de la perfectibilité humaine. » Il n’est qu’à voir les revenants claudiquer dans le centre commercial du film Zombie, réalisé par George A. Romero en 1978, pour comprendre que ces créatures, caricatures abjectes des humains consommateurs, sont des corps de dénonciation ; des monstres punks qui, arrachés à la quiétude des cimetières – lieux de mémoire s’il en est –, déversent sur le monde une déferlante d’horreur no future : un nihilisme radical.
À l’espace d’art Angle, dans l’enceinte épurée du white cube de Saint-Paul-Trois-Châteaux, l’installation Forest of the Dead occupe pour toutes ces raisons une position charnière. Sept zombies, réalisés à partir de l’assemblage de morceaux de bois taillés à la tronçonneuse, campent au premier étage de la galerie. Irradiées par l’éclat des néons, les sculptures écorchées de coups de lame et de brûlures au chalumeau semblent figées dans leur élan. Point nodal dans l’exposition, elles illustrent parfaitement cette situation dystopique, projection instantanée d’un avenir sordide, déclinée par Thierry Liegeois dans la verticalité des salles. Pour autant, il n’y a dans ce travail ni recherche outrancière du gore, ni surenchère d’effets qui risqueraient de faire basculer l’œuvre dans la théâtralité ; au contraire, ces zombies, en dépit de leurs différentes mutilations, s’exhibent dans une proximité presque familière, laquelle est renforcée par l’odeur agréable de pin qui s’en dégage.
C’est précisément par ce dérèglement, qui consiste à introduire l’étrangeté dans l’écrin du banal, que l’artiste parvient à irriguer de violence la mécanique même de son œuvre. Tout dans ce travail fait ainsi référence au réel (des différentes structures qui le déterminent, jusqu’aux cérémonies qui s’y déroulent), sans pour autant apparaître comme son reflet fidèle : la dimension fantastique s’y immisce, et détourne l’existant par touches sombres. Dans la vidéo Monsieur Trauma, projetée dans un espace jouxtant la forêt des morts-vivants, l’artiste joue très clairement de l’opposition entre une campagne luxuriante, réconfortante, et le caractère sinistre du personnage principal. Encagoulé de cuir – hommage au célèbre boucher « leatherface » de Massacre à la tronçonneuse – ce héros traumatique, visiblement isolé de toute interaction sociale, suspend le temps du film à un geste d’horreur qui n’arrive jamais. Bien que l’atmosphère soit lourde, et transforme le site bucolique en un lieu d’infamie, la violence est encore larvée, étouffée comme la nappe sonore qui accompagne chaque plan et envahit la salle.
À l’image du zombie qui, dans l’inconscient collectif, signale une créature non seulement effrayante, mais vaguement grotesque, on retrouve cette double caractéristique au travers des personnages et objets qui constituent l’exposition. Un monstre dans ton garage, collection d’instruments improbables bricolée à partir de jouets, restes animaux et matériaux de rebus, marque à ce titre le point culminant d’une dégénérescence humoristique de l’univers gore. Participative et potentiellement extrêmement bruyante, l’installation, noyée dans la lumière rougeoyante, est comme dépliée sur une architecture de palettes au dernier étage de Angle. Dans cet espace, version grunge du « grenier » bachelardien où se cristallisent les fantasmes de jeunesse, l’artiste compose une nouvelle fois avec l’idée de dérèglement : en hybridant les reliques innocentes de l’enfance aux bidons vides de substances toxiques et autres matériaux industriels, l’œuvre assujettit les sentiments de nostalgie et de dégoût à une expérience jubilatoire, subitement cathartique. Ainsi introduite dans les fragments assemblés de la culture de masse, cette étrangeté lui révèle sa part monstrueuse, et porte atteinte aux projets de standardisation qu’elle contient. En cela, le travail de Thierry Liegeois n’est pas sans évoquer celui de l’artiste Mike Kelley, et les coups qu’il put porter, par le détournement absurde des produits représentant l’Entertainment, aux codes de normalisation régissant la société américaine.
Cette inclinaison à l’humour noir ne doit pas occulter la part d’ironie qui imprègne la production de Thierry Liegeois. Ce dernier, adepte des rencontres improbables, se plait régulièrement à introduire dans l’espace conventionné de l’art la présence difficilement contrôlable des animaux de basse-cour. Exposés dans des réalisations précédentes, dindons et poules affichèrent ainsi une indifférence totale – et évidente – à ce que pourrait être la bienséance de rigueur dans un espace d’exposition. Ce qui est sale, douteux, ou de mauvais goûts (notamment au regard des convenances artistiques) n’effraie donc pas cet artiste qui érige vêtements et chaussures maculés de boue au rang de fétiches, comme s’ils étaient le résultat de pulsions rituelles et primitives ; c’est aussi le signe d’une irrévérence amusée à l’encontre d’un certain milieu de l’art, aux manières précieuses et aux références convenues.
Thierry Liegeois s’inscrit davantage dans une histoire récente de l’art à laquelle appartient non seulement Mike Kelley, mais aussi Paul Thek, rejeton de l’Amérique crasseuse des années 1960. Dans un entretien accordé à Harald Szeemann en 1973, celui-ci déclarait « L’une des principales fonctions de l’art, c’est de ranimer ». Ranimer, redonner vie aux morts (ou à ceux qui agissent comme s’ils l’étaient déjà), telle pourrait être la délicate mission d’un art en phase avec le réel.
Texte de Fabien Steichen
Exposition Rise and fall
Enraciné ne veut pas dire cloisonné. À travers une pratique qui ne se contente pas d’une technique particulière, Thierry Liegeois utilise dans cette exposition la sculpture, la vidéo et la photographie pour nous faire apercevoir ses préoccupations.
La tentative de road movie a échoué, il va falloir faire avec. Et tant mieux s’il n’y a pas besoin de convoquer les figures exotiques de l’ouest américain. Familiers et complètement étrangers, les protagonistes de la vidéo parviennent à dépasser un cadre pour mieux le complexifier. Ils transforment leur frustration pour agencer et révéler ce qui est proche d’eux et dont ils avaient été dépossédés. Par leur errance, ils prennent conscience de ce qui leur est proche pour nous faire reconnaître de quoi le populaire est constitué, mêlant ainsi différents territoires. Les métaphores, telles que le tricycle à moteur et les sculptures brillantes et scintillantes, sont élaborées à partir de rebus industriels et éprouvent la persistance, l’efficience des procédés techniques – manufacturés ou industriels – capables de nous projeter dans un héritage social en tension continue.
Le carillon, composé d’anciennes pièces de Motobécane et d’une structure porteuse élaborée à partir de matériaux de récupération, est mis en relation avec un poème – réalisé par un prêtre – qui agit comme une publicité de la marque. Cette lettre, placée à côté de la sculpture, convoque une figure cléricale pour nous faire apercevoir de quelles manières l’industrie et le prêtre perdent leur autorité par la narration déployée. Ce dispositif ne peut leur rendre hommage, il nous épargne ainsi une posture nostalgique.
La nécessité de faire avec son héritage permet de ne pas rester emprisonné dans une posture radicale, amnésique. Conscient de la situation qui lui est proche, Thierry Liegeois opère différents montages pour nommer un héritage populaire constitué de pratiques vernaculaires hétérogènes, toujours explicitées dans le souci de ne pas idéaliser les techniques précédentes.
OÙ
- lieu d'exposition pour l'art actuel 58 rue Jean de Bernardy 13001 Marseille
- Exposition visible du jeudi au samedi de 16h à 19h
et sur rdv contact : +33 626331400